Délibération n°41 Syndicat Mixte de l’Aéroport d’Auxerre-Branches – Avis sur le plan de servitudes aéronautiques et sur le plan environnemental.
Mes chers collègues, on nous demande notre avis sur le projet de révision des servitudes aéronautiques de dégagement de l’aéroport d’Auxerre-Branches.
Pour bien y répondre, cette question doit être analysée en la replaçant dans son contexte économique, juridique et environnemental
Juridique
C’est le syndicat Mixte de l’aéroport qui gère ce dossier. Ce syndicat fonctionne avec une délégation de service public local. Nous devrions donc nous prononcer sur ce rapport et les données comptables et l’analyse de la qualité du service et les indicateurs d’exploitation.
En tant que rapport d’une délégation de service public local, un rapport annuel aurait dû être présenté à la commission d’évaluation des services publics locaux pour avis. C’est la règle en application de la loi n°2002 276 du 27 février 2002 dans le cadre de la démocratie de proximité.
Cela permet aux associations de la commission d’avoir accès au bilan annuel, d’identifier tous les interlocuteurs élus en charge du dossier et d’avoir leur avis…
Cela n’a pas été fait.
Gouvernance
Au moment où la CA prépare son plan, air, énergies, climat pour lutter contre le réchauffement climatique, où les scientifiques du GIEC dans différents rapports alertent les élus, où les associations et les riverains se mobilisent et sont très inquiets sur l’évolution de ce dossier (la preuve ce matin) je suis très étonné que la commission environnement de la CA que je préside, qui se réunit régulièrement avec un taux de participation important, n’ait pas été consultée sur ce dossier. Pourtant dans le fonctionnement de la CA, les dossiers environnementaux nécessitant une délibération sont présentés pour avis à cette commission.
Monsieur le président, c’est à l’image de votre gouvernance de la CA depuis quelques mois.
J’en reviens au dossier et aux deux points essentiels :
L’aspect économique
En 1966, pendant les 30 glorieuses, fut décidée la construction de l'aérodrome d'Auxerre-Branches qui devait contribuer au développement économique d'une agglomération envisagée à 200000 habitants.
Inauguré en 1973 par Jean Chamant, président du conseil général et Jean-Pierre Soisson, la gestion est confiée à chambre de commerce et de l'Industrie d'Auxerre. L'État en devint propriétaire.
En 2007, la commission européenne lance le ciel unique et s'ouvre à la concurrence. L'Etat décentralise les aéroports de proximité et les transfère aux collectivités territoriales. C'est le syndicat mixte de l'aéroport d'Auxerre qui en devient propriétaire.
La délégation de service est confiée à la CCI de l'Yonne puis à la SNC Lavalin.
Aujourd’hui, c’est l’EDEIS qui a repris les activités de SNC Lavalin. C’est une société d'ingénierie et de gestion d'infrastructures, elle gère 19 aéroports en France notamment celui de Troyes. Aucun n’est rentable.
Quand on observe l’aspect financier, on s’aperçoit que la gestion est gourmande en finances publiques (1,8 millions d'euros pour refaire la piste en 2016, et 580 000 euros par an pour la gestion de l'aérodrome). Ce coût est supporté par une subvention de 380 000 euros à partager par les trois collectivités (CA, Département et Région) auquel on peut ajouter 250 000 € annuels apportés par l'aviation civile pour participer aux dépenses de sécurité incendie. Mais ce qui plus surprenant c’est que la société EDIS Auxerre facture des frais de mutualisation de 125 000 euros pour Edeis Paris.
1) Première remarque : cela coûte cher
2) Quelle est l’utilité sociale et économique de cet aérodrome ?
On comprend que le rapport annuel n’ait pas été présenté à la commission. Quand on observe les statistiques annuelles 2014/2018 de l’aérodrome, on découvre qu’en 2018:
il y 7 060 mouvements (1 mouvement = 1 atterrissage ou 1 décollage) dont 97 % de mouvements non commerciaux (aéroclub, école de pilotage, hélicoptères du SAMU ou de la gendarmerie pour leur avitaillement en carburant, …) et seulement 217 mouvements commerciaux (soit 0,6 par jour);
918 passagers (soit une moyenne de 2,6 par jour).
Ce qui fait que chaque décollage ou atterrissage est subventionné à hauteur de 420€.
La majorité des vols sont ceux d’une aviation civile légère.
Il n’y a pas à proprement parlé d’aviation commerciale, et on peut conclure qu’il y a 0 passager payant à Auxerre.
3) L'essentiel des avions peut se contenter de l'infrastructure actuelle.
Quelques chefs d'entreprise ont des avions qui imposent l'usage d'une piste de 1650m. Mais est-il utile de raser 30 ha de forêts supplémentaires pour quelques dizaines de vols par an ?
L’aspect environnemental
L’aérodrome existe depuis les années 1970 et occupe une superficie d'environ 100 ha. Cette surface a été prise sur de la forêt, dont 50 ha de la forêt communale de Branches. Le durcissement de la réglementation relative aux aéroports et le flou entretenu sur le devenir de cette structure ont provoqué une demande d’avis de la Préfecture sur le projet de révision des servitudes aéronautiques qui conduirait à la destruction de 30 ha supplémentaires de forêt, dont une vingtaine appartenant à la commune de Branches. Non seulement une partie des déboisements qu’impliquerait le PSA présenté touche une zone Natura 2000, une autre partie (celle située au lieu-dit « Vallée de la Biche ») serait en outre dans une zone protégée par un arrêté de protection du biotope.
Depuis 1970 le monde a évolué et le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité n’ont cessé d’être chaque jour plus évidents On sait aujourd’hui que le trafic aérien est le moyen de transport le plus émetteur de CO2 par km parcouru.
Je pense qu’une sage décision est d’adapter le PSA à la réelle exploitation du site et de réduire la voilure. On ne peut aujourd’hui massacrer une forêt parce qu’un dirigeant d’un club de sport, fut-il étranger, souhaite se poser et imposer ses vues. Les forêts rendent de grands services à l’environnement et sont un outil essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique. Leur rôle sur le climat est de stocker le carbone et d'améliorer la qualité et la disponibilité de l’eau voire de réguler les températures.
Cette adaptation est possible, elle aurait dû être étudiée depuis longtemps en liaison avec les services de l’aviation civile qui font partie du ministère de la transition écologique et solidaire. Il faut reconnaitre la présence des arbres autour de l’aérodrome et décliner un plan de navigation qui en tienne compte, c’est ce qui et mis en place dans des aéroports aux abords particuliers comme à Nice. Des calottes protégées sont ainsi possibles pour les zones Natura 2000.
L’emprise autour de la piste d’une zone de 150m, nécessitant une coupe dépend de la catégorie de l’aérodrome (cat C).
Une autre solution est de simplement décider d’un classement un cran en dessous de celui évoqué pour sauver des milliers d’arbres.
Dans tous les cas, nous ne pouvons voter tel quel ce projet de révision. Aujourd’hui, Il faut savoir abandonner les projets inadaptés à nos besoins, socialement inutiles, et écologiquement nuisibles.
Denis Roycourt, vice-président chargé de l'environnement
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